Sammendrag
Jean Potocki: esthétique et philosophie de l’errance traite de la notion d’errance dans l’œuvre de Jean Potocki. Consacrée surtout au grand roman de Potocki, le Manuscrit trouvé à Saragosse, mais également à ses récits de voyage, contes, théâtre et écrits historiques et scientifiques, la thèse montre comment l’errance constitue un thème primordial dans l’ensemble de l’œuvre potockienne.
L’errance est ainsi un objet de recherche dans la thèse, mais ce n’est que pour ensuite servir de clef d’interprétation permettant de jeter une nouvelle lumière sur l’esthétique et la philosophie propre à l’œuvre. L’hypothèse principale est que l’œuvre de Potocki traduit un conflit entre deux perspectives du monde, qui répondent, à un niveau esthétique et métaphorique, à deux formes de mouvement : l’errare et l’iterare, l’errance à proprement parler, sinueuse et sans but, et la quête de sens, interminable et utopique. Il s’agit d’un conflit central à la fin du siècle des Lumières, entre, d’un côté, le scepticisme et la force de l’imagination, et de l’autre, la foi dans la raison et l’aspiration à une connaissance totale du monde.
Jean Potocki (1761-1815), auteur polonais d’expression française, est l’un des auteurs le plus important du tournant des XVIIIe et XIXe siècles. Son chef-d’œuvre, le roman-fleuve Manuscrit trouvé à Saragosse, sur lequel il a travaillé pendant plus de vingt ans, probablement entre 1791 et 1814, a longtemps été relégué au statut d’œuvre culte. Il est aujourd’hui pleinement reconnu comme une œuvre centrale et canonique de la littérature des Lumières. Le roman constitue une véritable anthologie des genres romanesques du XVIIIe siècle, du picaresque au fantastique, via le roman épistolaire et le conte libertin. Héritier de Cervantès et de Sterne, et précurseur d’un Borges et d’un Calvino, Potocki joue avec les formes et les conventions du roman, d’une manière qui trouble tout autant qu’elle amuse.
Les motifs d’errance repérables dans le roman, aussi bien que sa forme narrative remarquablement complexe et « errante », témoignent d’une vision du monde qui insiste sur l’instabilité fondamentale de celui-ci. La thèse s’applique à montrer comment la complexité formelle et les aspects métalittéraires du roman se laissent interpréter comme porteurs d’une thématique anthropologique et existentielle qui a pour axe central la condition humaine face au « flux » du monde. La thèse traite le texte littéraire de machine discursive permettant de penser certains problèmes philosophiques, comme le rôle joué par la narration et la fiction dans la construction de l’identité, et les impasses épistémologiques et herméneutiques vécus par l’homme dans un monde où le sens se déplace constamment. La thèse montre ainsi comment le roman réinvestit le vieux motif littéraire de l’errance dans les préoccupations épistémologiques et ontologiques propres aux Lumières tardives.
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